Raconter sa vie dans un livre peut être l’occasion de dire à des proches ce qu’on n’a jamais osé leur dire de vive voix, par pudeur, par crainte de leur réaction ou pour toutes autres raisons. Il peut contenir par exemple un message d’amour à l’attention de son conjoint ou des témoignages d’affection à ses enfants.
On peut aussi faire savoir à un ami ou à un membre de sa famille combien on l’apprécie. Raconter sa vie, c’est également l’opportunité de mieux se faire connaître auprès de ses futurs lecteurs, de leur révéler une partie de soi qu’ils ignoraient peut-être.
Mais peut-on vraiment tout dire dans un livre ?
Nous avons tous un jardin secret !
Doit-on tout dire quand on écrit sa biographie ? Pour ma part, je ne le pense pas. Nous possédons tous un jardin secret, un espace intime dont nous n’ouvrons les portes à personne, pas même aux êtres qui nous sont les plus proches.
Ne pas tout dire, c’est aussi se protéger et laisser la part de mystère indispensable à toute relation humaine. Je ne parle pas bien sûr du journal intime que l’on enferme à clé dans un tiroir et dont l’auteur reste bien souvent le seul lecteur. Ce qui ne sera pas le cas de votre livre qui circulera probablement à l’intérieur de la famille et peut-être même à l’intérieur d’un cercle d’amis, ou, qui sait, sera publié !
De la dynamite à manier avec précaution !
Le récit de vie a une force qu’on ne soupçonne pas, il peut faire souffrir dans la même proportion qu’il peut réconforter. Je ne veux pas dire pour autant qu’il faut se brimer dans l’écriture de sa biographie et tourner sept fois son porte-plume dans l’encrier.
Non, il est tout à fait possible et même souhaitable d’exprimer ses sentiments avec force, d’afficher ses convictions avec sincérité à condition de ne blesser personne en stigmatisant ou en réglant des comptes. Sinon, le livre deviendra lourd à porter, pour l’auteur et tous ceux qui le liront.
En écrivant ses mémoires, on peut causer de profondes blessures à des proches, si on n’y prend pas garde. Les mots peuvent être de la dynamite, ils sont donc à manier avec précaution.
Quand l’auteur se prend pour un justicier !
Il ne faut pas non plus que le livre devienne prétexte à un règlement de compte. Cela n’engage que moi, mais j’estime que les propos blessants n’ont pas leur place dans un livre de mémoires. Si on veut régler des comptes, autant adresser directement un courrier à la personne en cause.
Je me souviens d’une rencontre avec un homme qui souhaitait écrire ses mémoires. Au bout d’une demi-heure, je décidai d’abréger l’entretien et de m’en aller lui faisant comprendre que je ne pouvais lui être d’aucune utilité. Il en voulait au monde entier, depuis ses proches voisins jusqu’aux gens les plus éloignés sur la planète. Si j’avais travaillé avec lui, il aurait fallu que je trempe ma plume dans l’acide et ce travail ne m’attire pas. Heureusement, ce sont des cas extrêmes.
Les paroles s’envolent, mais les écrits restent !
Je me souviens aussi de cette dame âgée qui s’étant disputée avec son fils, avait rompu tout contact avec lui. Elle ne l’avait pas revu depuis plusieurs années et souffrait de cette séparation. Un jour, elle m’annonça qu’elle désirait faire figurer dans son livre quelques lettres écrites de sa propre main. Je n’y voyais aucune objection, bien au contraire, je trouvais l’idée intéressante. C’était une façon de personnaliser son livre.
Il y avait une dizaine de lettres dont une était adressée à son fils. Lorsqu’elle me la donna à lire, je me sentis très mal à l’aise. Se sentant abandonnée, elle adressait à son enfant une missive dure et blessante. Son livre étant destiné à toute la famille, en stigmatisant son fils, elle prenait à témoin ses proches et étalait une dispute aux yeux de tous.
J’essayai de lui faire comprendre que même si sa colère pouvait être justifiée, la lettre n’avait pas sa place dans un livre qui par ailleurs était très positif. Ce différend ne les concernant que tous les deux, je lui expliquai qu’il serait plus simple et certainement plus efficace d’adresser ce courrier directement à son fils.
En effet, quelle blessure pour cet homme de voir tomber entre les mains de toute la famille cette lettre pleine de reproches. Mais je crois que cette femme était sincère et ne mesurait pas la portée d’un tel geste.
Elle a décidé finalement de ne pas publier la lettre à l’intérieur du livre et j’ai appris de sa bouche même, deux ans plus tard, qu’elle s’était réconciliée avec son fils.
Un fleuve tranquille qui peut tout emporter
Mieux vaut s’abstenir de faire dans un livre des révélations importantes qui concerneraient ou mettraient en cause tel ou tel membre de la famille, un mari, une épouse, des enfants, des parents … Ce serait le cas par exemple, d’un secret de famille, un enfant qui apprendrait que son père n’est pas celui qu’il croyait ou un petit-fils qui découvrirait que son grand-père a été un collaborateur pendant la guerre.
Il est alors préférable d’en parler de vive voix aux personnes concernées plutôt que de les laisser découvrir la vérité dans les pages d’un livre. D’autant plus qu’à la lecture, ces lecteurs auront probablement des questions urgentes à poser et qu’il y aura peut-être personne pour leur répondre. Elles auront l’impression d’avoir été mises au pied du mur et se sentiront trahies.
J’aimerais avoir votre avis, laissez-le à la suite de l’article dans l’espace réservé aux commentaires.
A bientôt,
Merci beaucoup pour votre prompte réponse et vos précieux conseils. J’en prends très bonne note. C’est une information que j’attendais depuis longtemps.
Bonjour,
Je vous remercie pour cet article qui m’est bien précieux dans le cadre de mon projet actuel.
Toutefois, j’ai des questions :
Sachant bien entendu que je suis en train d’écrire un roman autobiographique romancé et que j’ai l’intention de raconter mon vécu professionnel,
– Est-ce suffisant d’inventer un nom de structure ? (sachant qu’il s’agit d’injustices subits qui risquent d’engendrer de mauvaises retombées)
– N’y aurait-il alors pas de risques que l’organisme ou les personnes concerné(es) se reconnaisse(nt)?
– Peut-on parler (sereinement) d’expériences professionnelles s’il y a eu injustice(s) (exploitation, refus d’embauche définitive et agression verbale) ?
Merci par avance.
Bonjour Courtney
Je comprends vos interrogations. Il est en effet recommandé pour un récit comme le vôtre de prendre les précautions d’usage en changeant par exemple les noms des personnes et des lieux bien que ce ne soit pas toujours suffisant (dans ce cas c’est bien de se rapprocher d’un juriste par l’intermédiaire d’un éditeur). Mais comme vous parlez de de roman autobiographique romancé, je pense que vous avez déjà envisagé de prendre cette précaution.
Patrick
Bonjour Patrick,
Je vous remercie vivement de votre réponse.
J’ai effectivement déjà envisagé cette précaution. Toutefois, étant donné qu’il s’agit d’un roman réaliste, je me demande si mon histoire resterait crédible en cas d’invention de structures inexistantes.
Concernant un autre aspect pour ce même roman, je ne sais pas si je peux situer l’histoire de mon personnage dans une ville que je connais peu (je l’ai seulement visitée une fois l’année dernière et j’ai fait quelques recherches sur son histoire et ses lieux existants). Ce serait peut-être me compliquer la tâche de procéder ainsi. Mais d’un autre côté, j’ai envie de préserver ma ville natale et mon lieu d’habitation et c’est bien dans cette ville (à laquelle je fais allusion ci-dessus) que j’imagine l’histoire de mon personnage.
Merci par avance.
Bonjour Courtney
Se poser des questions est utile, mais s’en poser trop peut constituer un puissant frein à la création.
Je n’ai qu’un seul conseil à vous donner : dans un premier temps, suivez votre inspiration !
Dans un second temps, vous verrez bien si votre récit tient la route ou s’il faut modifier certaines choses.
Patrick
Bonjour Patrick,
Je vous remercie vivement de votre réponse. J’ai en effet déjà envisagé cette précaution.
Toutefois, étant donné que mon roman se veut réaliste, je me demande s’il resterait crédible en cas d’invention de structures inexistantes.
Concernant un autre aspect de ce même roman, je ne sais pas si je peux situer l’histoire de mon personnage dans une ville que je connais peu (je l’ai visitée une fois seulement l’année dernière et j’ai effectué quelques recherches sur son histoires et ses lieux). Je suis consciente que de procéder ainsi me compliquera la tâche. Mais d’un autre côté, en plus de vouloir préserver ma ville natale et mon lieu d’habitation, c’est bien dans cette ville que j’imagine la vie de mon personnage.
Merci par avance.
Bonjour Courtney
En effet, cela peut être une bonne idée !
Bonne écriture
Bonjour Patrick
Ce soir je me suis attelée à lire des articles concernant l’autobiographie sur la protection de la vie privée des personnes.
J’ai 53 ans. Je me suis enfin attachée à écrire ma vie qui est un véritable roman. Je parle de faits qui sont sont déroulés il y a une trentaine d’années, de faits quelques fois graves. J’ai bien changé les prénoms, mais j’ai le sentiment que c’est insuffisant. J’en suis à 250 pages, d’écrire me fait beaucoup de bien car il y a beaucoup de choses que j’ai tu jusqu’à présent. Mais là, je suis découragée. Je me suis tant appliquée à écrire, à ne pas faire de pathos, j’ai voulu rester très pudique, mais si j’ai vécu tant de choses, c’est parce que j’ai croisé des personnes. Comment parler de faits sans parler de ces personnes ? Je suis ce soir découragée. Je ne sais plus, je suis perdue, je ne désire pas faire de mal à ces personnes, car tout le monde change, mais elle risque de se reconnaître. Après je me dis que dans les faits les plus graves, quels avantages elles auraient à apparaître publiquement oui, peut-être à dire que ce n’est pas vrai et récupérer de l’argent. Et les faits moins graves mais qui dans le livre sont des éléments clefs pour comprendre l’histoire… en fin de compte ce soir dans ma tête il pleut comme dehors, j’ai le sentiment que jamais je ne pourrais me libérer totalement de mon vécu…
Plusieurs personnes de tout milieu social ont lu des extraits ou même des chapitres entiers et apprécient énormément mes écrits.
Que faire ?
Merci de votre réponse.
Bonjour Marie
Question délicate. Il n’est jamais facile de savoir où s’arrête la liberté d’expression et où commence l’atteinte à la vie privée.
N’étant pas un spécialiste de la question, je préfère m’abstenir de répondre, mais je vous conseille de lire ces deux articles, vous y trouverez peut-être une réponse à votre question :
https://www.lexpress.fr/culture/livre/la-vie-privee-des-autres-c-est-sacre_812058.html
https://www.livreshebdo.fr/article/le-roman-la-vie-privee-et-la-liberte-dexpression
Patrick
J ai aujourd’ hui 70 ans peintre et toujours très active, trop d’après ceux m’entourent.
Ce trop plein d’activité c’est évidemment pour ne pas penser, alors pour être mieux dans ma tête et avec mon corps, je pense depuis un certain temps écrire ce que fut mon enfance…..
La personne concernée par mes angoisse n’est plus de ce monde donc de ce coté là je peux tout dévoiler mais au regard de mes enfants en ai je le droit.
Merci
Bonjour
Il est toujours délicat d’écrire une histoire qui concerne des personnes de votre entourage comme un conjoint ou des enfants, car les mots peuvent faire très mal.
Le mieux est de pouvoir obtenir leur accord. C’est bien sûr l’idéal.
Dans le cas contraire, pourquoi ne pas écrire dans un premier temps ce récit pour vous-même. Cela peut déjà vous permettre de poser des choses lourdes sur le papier et avoir un certain apaisement.
Patrick