Une seule faute, une coquille dans votre texte et l’édifice que vous avez mis tant de temps à construire s’écroule ! Non, j’exagère bien sûr, mais la relecture et la correction sont des passages obligés pour un auteur digne de ce nom.
C’est la finition d’une œuvre, tout comme le peintre donne les dernières touches à sa toile. La Joconde aurait-elle ce beau et mystérieux regard si Léonard de Vinci avait négligé cette petite touche lumineuse dans la pupille de son héroïne ?
Et puis, il y a les petits malins qui se feront un plaisir de vous faire remarquer, l’air de rien, la virgule oubliée ou l’accent au mauvais endroit, ou plus grave encore, la coquille dans un sous-titre.
Si vous connaissez ce genre de spécialistes autour de vous, ces pourchasseurs de « fôtes » dès qu’ils ouvrent un livre, n’hésitez surtout pas à leur confier la relecture de votre texte avant impression, ce sera toujours ça de gagné !
Dans cet article, j’ai interviewé Mary,correctrice professionnelle. Elle a accepté de répondre à mes questions et de nous faire profiter de ses précieux conseils. (À ce propos, je réitère mon invitation à tous les professionnels de l’écriture, biographes y compris, qui accepteraient de partager avec nous leurs connaissances par l’intermédiaire d’un article. Sont également bienvenues toutes les personnes, professionnelles ou non, qui ont un projet d’écriture et souhaitent faire part de leur expérience aux lecteurs de ce blog. )
Quels types de fautes peut-on rencontrer dans un texte ?
L’ignorance de la concordance des temps, et de leur usage, représente le poste le plus important des corrections. Il est directement suivi par l’emploi incorrect des règles typographiques : Utilisation ou absence fautive de la majuscule initiale, du trait d’union, les abréviations et sigles, les dates, les noms propres, etc.
Les fautes de langages sont nombreuses, particulièrement les pléonasmes. La chronologie arrive en dernier lieu. Les coquilles sont assez peu fréquentes, ce qui tendrait à prouver que l’auteur a correctement relu son texte.
Quelles fautes relevez-vous le plus fréquemment dans l’exercice de votre profession ?
Les plus récurrentes sont les fautes d’accord, les confusions de temps, les signes de ponctuation inappropriés ou abusifs. La méconnaissance de la distribution des espaces constitue une part marquante des corrections, notamment celles (espace est féminin en typographie) qui sont liées à la ponctuation.
Idéalement, combien de fois un auteur devrait-il relire son texte ?
Il n’y a pas de limite au nombre de relectures, mais il faut savoir que pour chacune d’entre elles, on débusquera de nouvelles fautes. C’est systématique et inévitable.
Conseillez-vous de laisser passer un peu de temps entre deux relectures ? Si oui, combien de temps ?
Plutôt que de se relire indéfiniment, il est plus judicieux d’abandonner son manuscrit pendant quelque temps, temps nécessaire pour oublier la « musique » de ses mots.
Vaut-il mieux relire directement sur l’écran ou sur le papier après avoir fait imprimer son texte ?
La préférence de relecture sur écran ou sur papier varie selon les personnes. Le choix se fait en fonction de son confort. Mais quelle qu’elle soit, la « musique » des mots sera la même : chaque relecture apportera son lot de nouvelles corrections.
Lorsqu’on se relit, est-il important de comprendre le sens du texte ou peut-on se contenter de relire mécaniquement ?
Vous avez pu constater que je reviens toujours à « la musique des mots », et je ne vais pas, au moins une fois de plus, me priver de son pouvoir. Ainsi, il est pratiquement impossible de comprendre le sens de son texte après deux ou trois relectures.
Ensuite, elles se font automatiquement mécaniques : on ne peut se concentrer sur un texte dont on connaît la mélodie. On ne lit pas ce qui est imprimé, on « entend » ses mots. Bien que je l’explique différemment, Voltaire avait écrit : Un auteur est peu propre à corriger les feuilles de ses propres ouvrages : il lit toujours comme il a écrit et non comme il est imprimé.
On conseille souvent de faire relire son texte par une personne extérieure, pourquoi ?
Donner à lire son ouvrage à une personne extérieure est idéal, encore faut-il qu’elle maîtrise un tant soit peu l’orthographe et la grammaire.
Elle portera une attention particulière au texte, d’autant qu’elle ne connaît pas la musique des mots de l’auteur.
Elle n’aura donc aucune difficulté à déceler les incohérences et corrections nécessaires, au moins pour celles qui sont à sa portée.
Les logiciels de traitement de texte comme Open Office ou Word intègrent généralement un correcteur. Peut-on leur faire confiance ?
Les correcteurs intégrés des logiciels Word et OpenOffice ne sont fiables que pour l’orthographe des mots connus et pour les erreurs de frappe. Hormis ces éléments, il ne faut absolument pas s’y fier.
Il y a des logiciels de correction gratuits ou payants relativement sophistiqués, conseilleriez-vous d’en faire l’acquisition ? Si oui, lesquels auraient votre préférence ?
En effet, il existe quelques logiciels de correction, la plupart sont payants et assez onéreux. Cependant, ils ne font pas de miracles et leurs limites sont parfaitement raisonnées.
En effet, il n’existe aujourd’hui aucune technologie capable de transformer le langage naturel en langage logique, compris et assimilé par une machine. Ils sont donc capables de vous conduire à la faute si vous ne faites pas preuve d’attention.
En admettant qu’un jour un tel logiciel de correction soit à même de remplacer l’humain, le savoir-faire du correcteur disparaîtrait du paysage professionnel.
Pour préférer il faut choisir, ce que je ne suis pas à même de faire puisque je n’ai qu’un logiciel de correction en ma possession. Je ne peux donc m’appuyer sur aucun autre pour comparaison.
Il y a quelques années, au hasard de mes recherches sur Internet, j’ai découvert que deux de mes ouvrages faisaient partie des 2 600 œuvres du corpus de Cordial (célèbre logiciel de correction) dans la catégorie des textes littéraires où se côtoient les auteurs les plus prestigieux. Probablement par fierté, mais sans prétention pour autant, j’ai cédé à la tentation et je l’ai aussitôt acheté.
Convenablement utilisé, il a l’avantage de lever bien des doutes, mais, hélas, il provoque aussi des hésitations en se fourvoyant lui-même, et si l’on n’a aucune ou peu de maîtrise de la grammaire, il induira l’utilisateur à la faute. Ainsi, je n’ai ni recommandation ou orientation à offrir.
Cependant, tester soi-même en optant pour une utilisation gratuite sur une période d’essai, est la meilleure alternative. À ce jour, rien ne peut remplacer l’œil d’un correcteur.
Certains auteurs ont tendance à répéter plusieurs fois le même mot ou la même expression dans un seul paragraphe. Certains logiciels permettent-ils d’éviter ces répétitions ?
Aucun logiciel n’est apte à signaler les répétitions, qu’elles soient d’un mot ou d’une expression, tout au moins de façon claire, sauf si elles se jouxtent. Par exemple, il peut ne pas relever le sens de l’expression « petit à petit » et faire remarquer la répétition de « petit ».
Pour conclure, quels conseils donneriez-vous à un auteur débutant qui n’a pas les moyens de faire appel à un professionnel pour la correction de son texte ?
Il existe de nombreux supports sur le Web qui peuvent aider à la rédaction et à la mise en pages d’un ouvrage. Je sais, par expérience, qu’une multitude de manuscrits dorment dans des tiroirs. La raison de cet abandon est souvent due à un manque de moyens.
Cet état de fait me navre et m’a donc incité à proposer gratuitement une foule de conseils et d’astuces, au moins pour les applications essentielles. J’ai également écrit un mémento qui se révèle un loyal compagnon pour tout auteur.
(Entretien réalisé avec Mary, correctrice professionnelle, Calista-Corrections)