Avez-vous déjà été séduit par le style d’un auteur ? En lisant une biographie, un roman ou un récit de vie, avez-vous trouvé qu’il était bien écrit, agréable à lire ? Le style est ce que le lecteur va percevoir en premier, c’est ce qui va l’attirer ou… le repousser ! Autant le soigner ! C’est la marque d’un auteur, une façon d’affirmer sa personnalité.
Mais attention, un style brillant ne suffit pas pour autant à retenir un lecteur. Il faut aussi une histoire qui tienne la route. Forme et fond sont donc inséparables. Pas question de négliger l’un pour privilégier l’autre. Et vous-même, avez-vous un style ? Une façon d’écrire qui vous est personnelle ? (photo Shannty09)
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Bien écrire est à la portée de tous
Bien écrire est à la portée de tous. Nous n’avons pas besoin d’être Flaubert pour écrire, tout comme nous n’avons pas besoin d’être Mozart pour jouer du piano ou Van Gogh pour peindre une toile. On apprend à écrire, comme on apprend à jouer d’un instrument ou à tenir un crayon pour dessiner.
Bien sûr, je ne parle pas de rivaliser avec les auteurs qui rallient sur leur nom tous les critiques littéraires ni avec ceux dont l’œuvre traverse les siècles. Je veux simplement dire que nous pouvons tous apprendre à écrire. Je dirais même qu’il n’y a pas de limites et que nous pouvons améliorer constamment notre style tout au long de notre vie. La condition indispensable est d’éprouver du plaisir à écrire. Il ne faut surtout pas que ce soit une corvée.
Oui, mais quelle est la meilleure école pour perfectionner son écriture ? Je pense que la meilleure école est de lire des auteurs aux styles très variés et d’écrire le plus souvent possible. Pour ma part, je n’ai appris à écrire ni à l’école, ni à l’université, mais tout simplement en lisant régulièrement. La lecture a été ma meilleure école. Les auteurs, mes meilleurs professeurs.
Un conseil cependant : ne cherchez pas à imiter tel ou tel auteur, à faire de la grande littérature, mais écoutez l’écrivain qui sommeille en vous. Allez à sa rencontre en écrivant avec votre cœur ! A mon avis, un bon écrivain n’est pas seulement celui qui maîtrise parfaitement les techniques d’écriture mais c’est aussi, je dirais même surtout, celui qui sait traduire ses émotions avec la plus grande justesse. Mieux vaut un style maladroit mais spontané qui reflétera votre personnalité qu’une écriture trop travaillée qui risquerait de paraitre artificielle et passe-partout ! Si vous n’êtes pas familier avec l’écriture, mieux vaut privilégier la simplicité. Vos lecteurs vous en sauront gré.
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Quelques conseils pour améliorer son style
→ Privilégier la simplicité
Je compare souvent le travail d’écriture, à celui d’un sculpteur. De relecture en relecture, on taille dans les mots, on élimine le superflu, la silhouette s’affine. C’est aussi ma façon de procéder. A chaque lecture, ce sont comme des scories qui tombent de mes pages. Je m’aperçois que je peux dire la même chose avec beaucoup moins de mots ou des phrases moins tarabiscotées. Je rends alors mon texte plus agréable à lire, mais aussi plus facile à comprendre.
Voici quelques exemples :
Leur connaissance remonte au jour où ils ont passé ensemble le conseil de révision pour être incorporé dans l’armée.
N’aurait-il pas été plus simple d’écrire :
Ils se sont connus en passant le conseil de révision pour effectuer leur service militaire.
Autre exemple :
En effet, une mauvaise chute et ses conséquences, alors que j’étais enceinte de presque huit mois, auraient pu mettre à mal sa venue au monde.
N’aurait-il pas été plus simple d’écrire :
En effet, une mauvaise chute, alors que j’étais enceinte de presque huit mois, aurait pu mettre à mal sa venue au monde. (J’ai allégé la phrase en supprimant le mot « conséquences » parfaitement inutile)
Autre exemple :
Aujourd’hui, grâce à Internet, j’ai pu prendre contact avec des membres de ma famille paternelle que j’avais perdus de vue depuis de nombreuses années.
N’aurait-il pas été plus simple d’écrire :
Aujourd’hui, grâce à Internet, j’ai pris contact avec des membres de ma famille paternelle que j’avais perdus de vue depuis de nombreuses années.
Autre exemple :
Ne voulant pas l’abandonner dans ce moment difficile qu’il traversait, j’ai suspendu la procédure de divorce pour l’aider dans ses recherches d’emploi.
Ne voulant pas l’abandonner dans ce moment difficile, j’ai suspendu la procédure de divorce pour l’aider dans ses recherches d’emploi.(J’ai supprimé « traversait » qui n’apporte rien au sens de la phrase)
Autre exemple :
Une allée qui mène jusqu’à la maison
Une allée qui mène à la maison
→ Trouver le mot juste.
La richesse de la langue française nous donne une grande liberté dans le choix du vocabulaire. Pourtant, ce n’est qu’une liberté apparente, car chaque mot a un sens tellement précis qu’on ne peut le choisir au hasard. Comme pour un puzzle, pour le même emplacement ne rentre qu’une seule pièce. Le plus difficile est de trouver le bon.
Exemple :
« Assise sur une pierre, près d’un ruisseau, je rêvassais en écoutant le bruit de l’eau. »
J’ai préféré écrire :
« Assise sur une pierre, près d’un ruisseau, je rêvassais en écoutant le murmure de l’eau. »
Autre exemple :
« Lorsque j’étais petit, j’aimais dormir la fenêtre ouverte pour entendre le bruit du vent dans les peupliers. »
J’ai préféré écrire :
« Lorsque j’étais petit, j’aimais dormir la fenêtre ouverte pour entendre le bruissement du vent dans les peupliers. »
Autre exemple :
« J’ai toujours cherché à fréquenter des gens plus instruits que moi afin de me hisser vers le haut, de sortir de ma triste situation. »
J’ai préféré écrire :
« J’ai toujours cherché à fréquenter des gens plus instruits que moi afin de me hisser vers le haut, de sortir de ma triste condition. »
( « condition » est un terme plus précis que « situation » et correspond mieux au sens que l’auteur a souhaité donner)
→ Éviter les répétitions
Sans entrer dans les détails (redondances, pléonasmes, anaphores), il y a différentes sortes de répétitions, en voici quelques exemples :
Petit nain, très fréquent, sortir dehors, monter en haut, allumer la lumière, jeune chiot,
Ou encore :
Finalement, il a fini par venir vivre chez moi.
Cela ne veut pas dire que les répétitions sont à bannir. Dans certains cas, elles ont leur utilité pour insister, donner plus d’importance, accuser le trait, renforcer une impression, etc.
Exemple :
Je l’ai vu de mes yeux.
→ Rechercher la fluidité
C’est une notion importante qui reste pourtant très vague. On ne peut pas définir cette qualité avec des critères objectifs, elle se perçoit à la lecture. Un texte fluide semble couler comme une rivière qui ne rencontrerait pas d’obstacles sur son passage. Je vous conseille de lire votre texte à voix haute pour en vérifier la fluidité. Comment les mots sonnent-ils à votre oreille ? Comment s’enchaînent-ils ? Si vous rencontrez des difficultés dans la diction, si vous butez sur certains mots ou groupes de mots, si vous êtes obligé de vous reprendre à plusieurs fois, il y a de fortes chances pour que votre texte manque de fluidité.
→ Donner du rythme
Pour ne pas endormir le lecteur, il est important de varier votre style. D’alterner des phrases longues avec des phrases courtes. Phrase longue pour la rondeur, courte pour la vivacité. On pourrait comparer l’écriture d’un texte à la composition d’une partition musicale.
→ Donner de la vie
Il y a plusieurs façons de donner de la vie à un texte. Voici deux exemples :
L’auteur s’interroge :
« Avaient-ils décelé des troubles liés à l’autisme ? Ont-ils jugé inutile, imprudent ou alarmiste de nous en faire part ? Impossible à dire. Toujours est-il que cette attitude est particulièrement dangereuse car nous savons à présent que les cas d’autisme doivent être pris en charge très précocement. »
L’auteur écrit comme s’il se parlait à lui-même :
Comment expliquer ce que j’ai ressenti à ce moment. De l’émotion peut-être, de la tristesse certainement, mais pas vraiment de l’affection car c’était un total inconnu pour moi.
→ Éviter si possible certaines expressions : il y a, avoir, être …:
Exemple :
Il y avait un oiseau dans l’arbre.
Il est préférable d’écrire :
Un oiseau était perché dans l’arbre.
Autre exemple :
Mon grand-père a une maison dans les Alpes.
Il est préférable d’écrire :
Mon grand-père possède une maison dans les Alpes.
Autre exemple :
Marie avait un magnifique collier autour du cou.
Il est préférable d’écrire :
Marie portait un magnifique collier autour du cou.
→ Ne pas abuser des subordonnées
Exemple :
« Il considère qu’il a une mission qu’il doit accomplir avec soin et abnégation. »
Il est préférable d’écrire :
« Il a une mission. Il estime qu’il doit l’accomplir avec soin et abnégation. »
Autre exemple :
« Ma mère m’a dit un jour qu’elle avait une cliente qui avait été engagée pour donner des cours de dessin à des carrossiers. »
Il est préférable d’écrire :
« Ma mère m’a dit un jour qu’une de ses clientes avait été engagée pour donner des cours de dessin à des carrossiers. »
→ Mettre en situation
Au lieu d’écrire simplement : « notre studio était minuscule et nous y étions à l’étroit ». Il est beaucoup plus fort d’en faire la démonstration en donnant un exemple précis de cette étroitesse, en l’occurrence la visite du médecin. Votre lecteur visualisera aussitôt la scène. Ce qui donne :
« Un réfrigérateur avait trouvé tout juste sa place dans notre studio, mais il bloquait un peu la porte, ce qui était gênant pour les personnes qui devaient venir nous rendre visite et souffraient d’embonpoint comme le médecin par exemple. »
→ Éviter les clichés
« Elle montait les escaliers quatre à quatre » ; « son sang se glaça dans ses veines » ; « son sang ne fit qu’un tour » ; « il sauta de joie » ; « elle avait des yeux de braise » ; « son cœur battait la chamade » ; « il se tenait droit comme un I… »; » cœur sur la main »
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Des exercices de style surprenants !
Une phrase de 414 mots …
Il y a un auteur qu’on reconnait entre tous, notamment par la longueur de ses phrases. Je veux parler de Proust. Quitte à allonger considérablement mon article, je ne résiste pas à citer en entier une de ses phrases. Sa particularité : elle est constituée de 414 mots. Une phrase moyenne fait habituellement entre 12 et 18 mots.
« Canapé surgi du rêve entre les fauteuils nouveaux et bien réels, petites chaises revêtues de soie rose, tapis broché de table de jeu élevé à la dignité de personne depuis que, comme une personne, il avait un passé, une mémoire, gardant dans l’ombre froide du salon du quai Conti le hâle de l’ensoleillement par les fenêtres de la rue Montalivet (dont il connaissait l’heure aussi bien que madame Verdurin elle-même) et par les portes vitrées de Doville, où on l’avait emmené et où il regardait tout le jour au-delà du jardin fleuriste la profonde vallée de la […] en attendant l’heure où Cottard et le violiste feraient ensemble leur partie ; bouquets de violettes et de pensées au pastel, présent d’un grand artiste ami, mort depuis, seul fragment survivant d’une vie disparue sans laisser de traces, résumant un grand talent et une longue amitié, rappelant son regard attentif et doux, sa belle main grasse et triste pendant qu’il peignait ; encombrement joli, désordre des cadeaux de fidèles qui a suivi partout la maîtresse de maison et a fini par prendre l’empreinte et la fixité d’un trait de caractère, d’une ligne de la destinée ; profusion des bouquets de fleurs, des boites de chocolat qui systématisait, ici comme là-bas, son épanouissement suivant un mode de floraison identique : interpolation curieuse des objets singuliers et superflus qui ont l’air de sortir de la boîte où ils ont été offerts et qui restent toute la vie ce qu’ils ont été d’abord, des cadeaux du Premier Janvier ; tous ces objets enfin qu’on ne saurait isoler des autres, mais qui pour Brichot, vieil habitué des fêtes des Verdurin, avaient cette patine, ce velouté des choses auxquelles, leur donnant une sorte de profondeur, vient s’ajouter leur double spirituel ; tout cela, éparpillé, faisait chanter devant lui comme autant de touches sonores qui émerveillaient dans son cœur des ressemblances aimées, des réminiscences confuses et qui, à même le salon actuel qu’elles marquetaient çà et là, découpaient, délimitaient comme fait par un beau jour un cadre de soleil sectionnant l’atmosphère, les meubles et les tapis, poursuivant d’un coussin à porte-bouquets, d’un tabouret au relent d’un parfum, d’un mode d’éclairage à une prédominance de couleurs, sculptaient, évoquaient, spiritualisaient, faisaient vivre une forme qui était comme la figure idéale, immanente à leurs logis successifs, du salon des Verdurin. »
Une exploration infinie du détail
Un autre auteur se distingue par ses interminables descriptions. Je veux parler de Balzac qui peut consacrer plusieurs paragraphes à la description d’une façade, d’un escalier ou même d’une simple poignée de porte. Quel talent… mais à condition d’avoir du temps à consacrer à la lecture !
La façade de la pension donne sur un jardinet, en sorte que la maison tombe à angle droit sur la rue Neuve-Sainte-Geneviève, où vous la voyez coupée dans sa profondeur. Le long de cette façade, entre la maison et le jardinet, règne un cailloutis en cuvette, large d’une toise, devant lequel est une allée sablée, bordée de géraniums, de lauriers-roses et de grenadiers plantés dans de grands vases en faïence bleue et blanche. On entre dans cette allée par une porte bâtarde, surmontée d’un écriteau sur lequel est écrit: MAISON-VAUQUER, et dessous: Pension bourgeoise des deux sexes et autres. Pendant le jour, une porte à claire-voie, armée d’une sonnette criarde, laisse apercevoir au bout du petit pavé, sur le mur opposé à la rue, une arcade peinte en marbre vert par un artiste du quartier. Sous le renfoncement que simule cette peinture, s’élève une statue représentant l’Amour. A voir le vernis écaillé qui la couvre, les amateurs de symboles y découvriraient peut-être un mythe de l’amour parisien qu’on guérit à quelques pas de là. Sous le socle, cette inscription à demi effacée rappelle le temps auquel remonte cet ornement par l’enthousiasme dont il témoigne pour Voltaire, rentré dans Paris en 1777:
Le père Goriot, Balzac. (Extrait) http://pages.videotron.com/eg101/Description.htm
Un roman d’environ 300 pages sans la lettre « E »
Ou encore, plus proche de nous, je pense à Georges Pérec qui a réussi le véritable exploit d’écrire tout un roman sans utiliser la lettre « e ». Je vous mets au défi de trouver une seule fois la lettre « e » dans le texte qui suit.
« Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut; mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.
Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo; il mouilla un gant qu’il passa sur son front, sur son cou.
Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu’un glas, plus sourd qu’un tocsin, plus profond qu’un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.
Sur l’abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l’aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison, s’avançait, traînant un brin d’alfa. Il s’approcha, voulant l’aplatir d’un coup vif, mais l’animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu’il ait pu l’assaillir. »
La disparition. Georges Pérec. (Extrait) Editions Gallimard (16 mai 1989).
http://premier-roman.blogspot.fr/2007/09/la-disparition-de-georges-perec.html
Patrick du Boisbaudry