Si l’auteur et sa vie sont au cœur de ces deux procédés littéraires, il n’en reste pas moins de très grandes différences. Voici quelques pistes de réflexions ….
Une différence de taille : la présence ou l’absence d’un lecteur !
La première grande différence, celle qui s’impose immédiatement : le récit de vie est destiné à des lecteurs contrairement au journal intime qui ne sera lu que par son auteur. Du moins, en principe, car sur le web quelques sites se développent, permettant aux diaristes * de diffuser leur prose et ils connaissent un certain succès.
Par ailleurs, certains journaux intimes d’auteurs célèbres comme George Sand, Jules Renard, Julien Green ou Hervé Guibert, ont été portés à la connaissance du public, mais il est vrai, le plus souvent de façon posthume. D’autres encore, par la force du témoignage dont ils se sont fait l’écho, ont été de véritables best-sellers.
Je pense par exemple au journal d’Anne Frank qui aurait été vendu à plus de 25 millions d’exemplaires et relate l’histoire d’une enfant juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais ce sont malgré tout des exceptions, et elles confirment la règle : dans une grande majorité des cas, le journal intime n’est lu que par son auteur.
De cette différence essentielle, vont découler de nombreuses conséquences tant au niveau de la forme que du contenu.
Au niveau de la forme
Contrairement au récit de vie, le journal intime ne nécessite aucun outil particulier comme un ordinateur ou une machine à traitement de texte. Un petit carnet et un stylo font en général très bien l’affaire. Ce n’est pas le cas du récit de vie dont le manuscrit se transforme le plus souvent en véritable livre et nécessite donc toute une technologie.
Pour le journal intime, vos qualités d’auteur importent peu. Seule exigence : pouvoir se relire. Vous pouvez donc jeter au diable la grammaire, l’orthographe, la syntaxe… personne ne sera là pour vous le reprocher !
Même chose pour la construction. Si un récit de vie doit être bâti avec une grande rigueur et parfaitement structuré à l’aide d’un plan comportant chapitres et sous-chapitres, le journal intime s’accommodera d’un parfait désordre. Le diariste* écrit au jour le jour, au fil de ses humeurs et de ses états d’âme, au gré de son inspiration, il écrit comme coule une rivière.
Cette absence de contrainte confère à l’auteur du journal une grande liberté et lui permet d’exprimer avec spontanéité et sans craindre la censure, la petite voix parfois à peine audible, qui sourd en lui.
Au niveau du contenu
Le journal intime diffère aussi du récit de vie sur le plan du contenu.
L’auteur d’un journal peut coucher sur sa feuille tout ce qui lui passe par la tête, sans craindre d’autre censure que celle qu’il s’imposera lui-même. Il pourra dire du mal de son patron, traiter son voisin d’abruti, jeter son opprobre sur la race humaine.
Bien sûr, on pourrait faire le même raisonnement à propos du récit de vie. Pourquoi son auteur craindrait-il davantage les censeurs lorsqu’il est uniquement diffusé dans un cercle familial et auprès de quelques amis ? C’est vrai en théorie, mais seulement en théorie, car tant qu’il y a des lecteurs, il y aura toujours une forme de censure que l’on s’appliquera à soi-même selon le dicton bien connu : toute vérité n’est pas bonne à dire. Ne serait-ce que pour ne pas froisser certains lecteurs qui vous sont chers, comme vos enfants par exemple.
Et puis, il y a la sphère de l’intime, ce que la pudeur interdit de dévoiler aux autres. Contrairement au journal, dans votre autobiographie, vous ne livrerez jamais la totalité de votre jardin secret, même à l’heure de la téléréalité !
Mais aussi de grandes ressemblances …
Principale ressemblance : l’auteur occupe le centre. Le matériau utilisé est le même dans les deux procédés littéraires : sa propre vie. Dans les deux cas, vous parlez de vous, des évènements qui vous concernent, de vos émotions.
Ces deux exercices que sont l’autobiographie et le journal intime permettent également de se sentir plus léger, par le simple fait de déposer sur le papier des choses parfois lourdes à porter.
Enfin, si le récit de vie exige plus de discipline et d’organisation dans la démarche d’écriture, pour se nourrir, il a besoin aussi, tout comme le journal, d’une grande spontanéité. Il n’est donc pas interdit, bien au contraire, de garder sur vous un carnet et de prendre des notes au fil de votre inspiration, de votre humeur, de vos états d’âme. Ces notes viendront enrichir le contenu de votre récit.
Pour conclure, je dirai que les deux exercices peuvent se compléter avec bonheur même si au final, ils n’ont pas le même objectif. Ainsi, un journal intime peut constituer une source d’informations précieuse pour réaliser un magnifique récit de vie.
*diariste : ce mot emprunté à la langue anglaise désigne l’auteur d’un journal intime.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà écrit un journal intime ou un récit de vie ? Ou les deux ? Quel mode d’expression vous tente le plus ?
Laissez votre commentaire à la suite de l’article.
Patrick du Boisbaudry (biographe pour particulier)
Si vous souhaitez plus d’informations sur l’écriture et l’édition, je serai ravi de vous accueillir sur mon site : le marronnier rouge.
vos conseils sont magnifiques, ils me pemettent de bien comprendre les differences entre un recit de la vie et un journal personnel que j’ai tenu il ya plusieurs annees, je suis a mes premiers pas dans ce monde de litterature, je tiens a ecrire un recit de la vie et si possible d’autres ouvrages.
Bonjour Patrick,
alors, bonne route à vous dans le monde de la littérature et merci pour vos compliments.
Patrick
Bonjour Patrick,
Merci pour vos conseils.
Agée de 32 ans, je fais face actuellement à différents problèmes médicaux qui ont des répercussions sur ma vie personnelle et professionnelle (je souffre d’épilepsie). Je fais donc une petite déprime que j’aimerais exprimer dans un livre pour me soulager d’un poids important. Néanmoins, j’ai peur de confondre le livre autobiographique et le journal intime bien qu’ayant envie d’exprimer ce que je ressens au fond de moi aux autres. J’ai en fait peur d’y mettre des propos blessants et choquants pour certaines personnes de mon entourage bien qu’ayant besoin de parler de mes problèmes. Je pense donc dans un premier temps, écrire un journal intime pour ensuite écrire un livre autobiographique.
Merci à vous en tout cas
Bonjour Delphine
Votre démarche est excellente : effectivement, c’est une très bonne idée de commencer par le journal intime où vous mettrez tout ce qui vous tient à cœur, sans vous censurer. Ensuite, à tête reposée, vous relirez votre journal et avec cette vue d’ensemble vous pourrez sélectionner ce que vous souhaitez mettre ou ne pas mettre dans votre futur livre autobiographique destiné à être publié.
Patrick
bonjour,
déjà un grand merci pour ce blog qui m’est d’une grand aide. J’ai déjà écrit 80 pages de livre en autobiographie, mais j’ai sauter bien des étapes.
Ce qui me rassure c’est de e rendre compte que la majorité des rectifications seront assez simple à effectués.
Depuis l’âge de 6 ans, j’ai toujours eu cette envie/ce désir profond d’écrire un livre sur ma vie.
hasard ou pas? perso, le hasard, je n’y crois pas.
Agée de 28 ans, j’ai vécu tellement de choses que très peu de personnes ont vécus, ou alors on me fait remarqué que je n’ai pas eu un passé comme les autres
De mes 15 ans à Mes 19 ans, je tenais un journal intime, où tous les jours je notais ce qui me passaiS par la tête, me vidant d’un trop plein d’émotion ingérables. Malheuresement, je l’ai perdu…
Ceci dis, même après ce choc, j’ai repris l’écriture petit à petit, et s’est devenu un besoin inssasiable.
Pour moi, le journal intime est très personnel, ne cachant rien, des plus immondes pensées ou actes commis, aux pires idées noires que personne ne soupsonnaient. Mon journal, c’est mon jardin secret, et personne n’as le droit de le lire.
Alors, m’aidant de mes écrits, je préfère publié un livre sous forme d’autobiographie, me permettant de ne pas tout remuer.
Comme si cette forme d’écriture me permet de mieux me protéger, gardant mes secrets ls plus noirs, et dévoilants ceux que je suis capable d’admettre à l’heure actuelle.
Bonjour Laure
Merci pour votre long message, c’est un témoignage important.
Je partage entièrement la différence que vous faites entre journal intime et autobiographie. Il y a des jardins secrets qui resteront toujours secrets.
Je pense aussi que le fait d’avoir écrit un journal intime vous aidera grandement à écrire votre autobiographie.
Patrick
Bonjour,
j’aimerai écrire quelque chose qui se tiendrait entre le témoignage et l’autobiographie, sous forme d’un journal.
Mon but serait de palier au manque de littérature sur le vécu de la découverte de la schizophrénie, le monde des hôpitaux psychiatriques, le vécu de l’entourage.
Comment savoir si ce type d’ouvrage peut être utile, voire accompagner un certain public ou si je me lance dans un ouvrage qui finalement n’intéressera que moi, ce dont je ne veux pas!
Merci pour votre avis…
Bonjour Mireille
La santé, notamment dans le domaine psychiatrique, est un sujet qui intéresse beaucoup de monde. Bien sûr ce n’est pas la garantie que votre livre deviendra un bestseller. Je vous conseille d’écrire sans trop vous poser de questions. Écrire est toujours bénéfique pour un auteur, c’est une sorte d’accomplissement et je suis sûr que votre ouvrage apportera beaucoup à des lecteurs, nombreux ou pas. N’est-ce pas l’essentiel ?
Patrick
Bonjour Patrick, je suis tombée sur votre blog en recherchant une solution pour me faire éditer. et j’ai lu votre interview de la personne des éditions Scripta. Merci beaucoup, cela va bien m’aider.Je viens de terminer enfin le livre que j’ai commencé en 2013. C’est le récit d’une partie de ma vie que j’ai pu retracer grâce aux journaux intimes que j’ai écrits. J’hésite encore pour le titre et je dois réfléchir à la couverture ainsi qu’aux personnes de mon entourage à qui je vais le faire lire.
J’ai toujours ressenti le besoin d’écrire et c’était surtout, voire toujours, lorsque je n’allais pas bien. Le fait de coucher mes pensées et ressentis m’ont permis d’exorciser mon mal-être, une catharsis en quelque sorte.
Encore un grand merci pour votre blog et tous vos conseils
Bien Cordialement
Corinne
Bonjour Corinne
Merci pour votre authentique témoignage dans lequel beaucoup d’entre nous se reconnaîtront.
Patrick