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INTERVIEW

 

Marie-Paule Dessaint, coach de vie, vient de publier un livre au titre évocateur « relire sa vie ». Dans cet ouvrage, l’auteure propose une nouvelle approche de l’écriture devant nous permettre de franchir avec moins d’appréhension les grandes étapes de la vie. En quoi consiste précisément cette méthode ?  De l’autre côté de l’Atlantique, Marie-Paule a accepté de répondre à mes questions pour le blog du marronnier rouge : « écrire-un-livre ».

Bonjour Marie-Paule Dessaint, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Je suis docteur en sciences de l’éducation et coach de vie spécialisée dans les grandes transitions de vie, notamment celles de la «crise du milieu de la vie», de l’entrée dans la retraite, ainsi que du vieillissement et en particulier celui de la mémoire. Je donne des conférences et anime des ateliers à travers le Québec et je suis également l’auteure de plusieurs livres consacrés à la préparation à la retraite, sur les plans psychologique et social, à la mémoire, au sommeil et à la relecture de vie.

Vous avez dernièrement écrit un livre intitulé « Relire sa vie », de quel sujet traite-t-il précisément ?

Ce livre traite du grand cycle de la vie adulte, à partir du seuil de la quarantaine, au moment où, pour la majorité des gens, commence le début de la «crise du milieu de la vie», jusqu’au grand âge, après 80 ans et jusqu’à l’approche de la fin de la vie aussi. J’y explique comment franchir chaque étape en douceur, afin d’en profiter pleinement. Pour illustrer mes propos, j’ai recueilli 21 récits de vie de personnes âgées entre 39 et 82 ans. Ces récits étaient complets pour certains, mais fragmentaires pour d’autres (une situation particulière, par exemple, une séparation ou l’acceptation et la révélation de son homosexualité). La théorie ainsi que les «rencontres» par écrit avec ces personnes, puis en coaching, m’ont permis de créer un outil (celui dont il est question dans cette entrevue) que j’utilise de plus en plus en coaching : la relecture, puis la réécriture de vie.

Vous proposez une démarche en trois étapes : écrire, relire et réécrire sa vie. En quoi consistent-elles précisément ?

En bref, voici ces trois temps du travail de l’écriture de soi, tels que je les propose à mes clients en coaching, durant les ateliers que je suis en train de mettre sur pied, ou encore aux personnes qui préfèrent procéder seules.
1. Écrire : déposer sur papier, des faits, des émotions. Raconter sa vie.
2. Relire : chercher le sens, débusquer les blocages, sortir le problème de soi pour mieux l’analyser et le comprendre. Trouver des réponses.
3. Réécrire : déconstruire le passé négatif et le reconstruire en décrivant le moi idéal, la situation idéale. Reprendre contact avec ses qualités et ses forces oubliées. Avec ses aspirations et ses rêves. Élaborer des objectifs de changement et un plan d’action.

Pourquoi relire sa vie ? Quels bénéfices peut-on en tirer ?

On relit sa vie pour bien des raisons. Pour tenter de mieux analyser un moment particulier de crise ou de turbulence, pour réaliser un bilan(un examen de vie) afin de trouver le sens de ce que l’on a fait et vécu, et pour mieux se connaître. On peut aussi relire sa vie pour se décharger d’un fardeau que l’on porte seul, depuis toujours, pour faire la paix avec soi ou encore pour se pardonner certaines répercussions de nos actions sur notre entourage et, parfois aussi, sur notre propre vie.
En permettant d’évacuer ce qui est lourd à porter ou difficile à supporter, mais aussi de faire remonter à la surface le meilleur de ce que l’on a été et de ce que l’on a accompli, la relecture de vie apaise, explique, justifie, libère, réoriente et dirige. Elle permet aussi de faire le deuil du passé et de l’intégrer avant de s’élancer dans une nouvelle étape. Elle apporte sérénité et confiance en soi.
Le récit de vie et la relecture de vie peuvent être également utilisés au moment de faire un bilan de compétences, ou encore, en entreprise, lorsque les équipes de travail éprouvent des difficultés. L’accent est mis alors sur les forces, les bons coups et ce qui marche le mieux plutôt que sur les problèmes à résoudre. On décrit ensuite la façon idéale dont on aimerait que les choses se passent, autant sur le plan personnel que celui du groupe. Et on passe à l’action.

Quelles différences entre autobiographie et relecture de vie ?

La relecture est réalisée (écrite) POUR soi ET PAR SOI SEULEMENT, sans complaisance. Avec un objectif particulier, par exemple : trouver une réponse à ses problèmes, découvrir les blocages et résistances qui, depuis toujours, empêchent la personne de mener à terme ses projets et ses ambitions, de réaliser ses rêves les plus chers. Découvrir ses façons habituelles de réagir aux événements et au changement. Trouver aussi des réponses à des questions identitaires et existentielles. S’adapter à un deuil : être cher, santé, emploi, idéal…
En principe, l’autobiographie n’a pas de fonction thérapeutique. Elle est réalisée principalement pour être lue ou écoutée par les autres : famille, amis, collègues, etc. ou encore pour un vaste public si on est une personnalité publique. Mais il arrive qu’une personne écrive ou fasse écrire sa biographie pour se justifier, pour réparer son ego blessé, pour remettre les pendules à l’heure, pour s’excuser de certaines de ses actions ou encore pour se libérer de moments difficiles de son passé (agression, viol, inceste, maladie grave, cancer, etc.). Dans une certaine mesure, on peut dire qu’elle a un effet thérapeutique. C’est dans ce cas que le récit de vie et la relecture de vie peuvent se rencontrer sur le même terrain.

L’autobiographie peut-elle être utilisée pour faire une relecture de sa vie ?

L’idéal est d’écrire un nouveau texte, spontanément, en lien avec la problématique du moment. Cependant, comme matière première à la relecture de vie, on peut également utiliser son autobiographie, mais aussi son journal intime, des correspondances échangées au fil des années et conservées, des photos. Pour illustrer mon propos, je vous donne un exemple qui me concerne personnellement. Au décès de mes parents, quand nous avons dû vider la maison où ils avaient vécu toute leur vie, j’ai retrouvé toutes les (très nombreuses) lettres, cartes postales, etc. échangées avec eux depuis que je vis loin d’eux, soit près de 40 ans. Ils avaient aussi conservé tous mes petits mots d’enfant, les petits dessins réalisés pour la fête des pères et des mères, des carnets de notes. En relisant tout cela avec 40 ans de recul, j’ai appris énormément de choses sur moi : mes rêves et ambitions de jeunesse, mes valeurs, mes erreurs dans certains choix affectifs, mes choix de vie et même l’évolution de mon écriture. En plus, tout était daté et m’a permis de bien suivre le fil conducteur de ma vie. Passionnant.

Pour la première étape « écrire son propre récit », y a-t-il une méthode à appliquer ou peut-on rédiger un texte spontanément, au fil de l’inspiration ?

Je préfère que la personne écrive spontanément, dans la mesure où elle ne perd pas de vue son objectif premier (ce qu’elle veut trouver et résoudre précisément). J’invite d’ailleurs mes clients à répondre en tout premier lieu à des questions semblables à celles-ci. «Qu’est-ce qui vous dérange le plus dans votre vie en ce moment ? Qu’est-ce qui se produit et se reproduit encore et encore et que vous aimeriez résoudre en priorité ? Qu’est-ce qui vous rend malheureux ? Qu’aimeriez-vous changer ou améliorer en priorité ?»

 

Pour interpréter son récit lorsqu’on procède à la relecture, est-il nécessaire d’être accompagné par un coach ou un thérapeute ?

Là encore, tout dépend de la personne et de ses besoins. Si elle se trouve dans une période de grande vulnérabilité (en déséquilibre psychologique), il vaut mieux qu’elle consulte un coach ou un thérapeute. Dans de telles périodes, il est difficile de se concentrer sur des solutions. La personne a aussi tendance à se blâmer et à tout envisager de façon dramatique.
Si elle n’a besoin que de prendre des décisions dans le changement, elle peut très bien faire ce travail de relecture seule. D’ailleurs, il arrive souvent qu’après avoir fait consciencieusement ce travail d’analyse et d’introspection elle ne ressente plus le besoin de consulter. Avec le recul, les événements perdent de leur intensité. Ils sont dédramatisés.

Dans votre ouvrage, vous présentez 21 récits, 21 parcours. Dans quelles circonstances avez-vous recueilli ces différents témoignages ?

J’anime régulièrement des ateliers consacrés à la préparation à la retraite. Je voulais démontrer comment la crise du milieu de la vie non résolue ou mal résolue peut en entraîner une autre, plus difficile encore, au moment de l’entrée dans la retraite. Je voulais illustrer mes propos de témoignages de personnes dans la quarantaine et la soixantaine et publier un nouveau livre sur ce sujet.
Les récits de vie que j’ai recueillis ont couvert pratiquement tout le cycle de la vie adulte, entre 39 ans et 82 ans. Ils étaient captivants et proches de ce que les spécialistes écrivent sur le sujet. Ces personnes, aux deux extrémités du cycle de la vie, ont montré à quel point elles avaient besoin de se livrer, de s’expliquer, de se faire entendre. Ces récits ont notamment montré clairement à quel point le fait d’escamoter ou d’ignorer le processus d’individuation au mitan de la vie, au début de la quarantaine, peut avoir des répercussions catastrophiques dans l’immédiat, ainsi qu’au moment de l’entrée dans la retraite, et plus tard, au cours du vieillissement. Le processus d’individuation est ce désir (un besoin irrépressible) que nous ressentons tous de vivre davantage en fonction de nos propres besoins et valeurs, sans les masques que l’on portait jusque-là pour être prévisibles et ne pas faire de vagues.

Ces 21 récits ont-ils influencé votre démarche ?

Oui, ils m’ont amenée à réorienter mes recherches. Ils ont parfaitement illustré le contenu théorique de mon livre, mais j’ai aussi adapté mon contenu théorique à ces récits. On peut parler de recherche-action. Et cela m’a amenée à rapatrier dans mon travail de coach, les techniques que j’ai utilisées pour aider ces 21 personnes à rédiger, organiser et tirer parti de leur récit de vie.

Aujourd’hui possédez-vous suffisamment de recul pour tirer des enseignements sur les apports de votre méthode ? Avez-vous dégagé des enjeux ou des caractéristiques précises en fonction des catégories d’âge ?

Je n’ai pas énormément de recul puisque cela ne fait que trois ans que j’utilise cet outil de coach, parmi d’autres outils. Je ne le propose d’ailleurs pas systématiquement. Aussi, les gens commencent à peine à le découvrir au fur et à mesure où j’en parle dans les articles de mon site web, dans les entrevues que je donne aux médias et lors des conférences que j’anime. Au total, je l’ai utilisé avec un peu plus d’une trentaine de personnes (j’inclus les 21 personnes de mon livre). Je peux dire que pas une seule n’a travaillé de la même façon, seule ou avec moi. Les besoins et les façons d’organiser leur pensée n’étaient pas les mêmes. Il faut s’adapter, «danser» avec son client. Est-il prêt à aller plus loin que la simple description de sa vie ou d’un événement particulier de sa vie ? Comment veut-il procéder ? À quel rythme ? Qu’est-il prêt à dévoiler ? Qu’est-ce qui l’empêche de passer à l’étape de la relecture, et surtout de la réécriture de leur vie ? (Blocages ? Peurs d’avoir à sortir de sa zone de confort, de se découvrir …)

Quels conseils concrets pourriez-vous donner aux lecteurs qui seraient tentés par cette expérience de relecture ?

Dans un premier temps, se faire confiance et écrire soi-même le plus possible, même si on n’écrit pas bien.
Accepter de consacrer tout le temps, toutes les énergies nécessaires à sa relecture de vie car, en devenant son propre thérapeute, son propre analyste, son propre coach, tout au moins pour une bonne partie du travail, on prend sa vie en main et on ne demande pas à une autre personne de faire le travail à notre place. Les résultats seront meilleurs et plus durables.
Une citation que j’aime bien, mais dont je ne connais pas l’auteur : «Quand tu écris l’histoire de ta vie, ne laisse personne prendre la plume à ta place.»
PS : si vous souhaitez vous procurer l’ouvrage de Marie-Paule Dessaint :

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A bientôt sur ce blog ou sur le marronnier rouge

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